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donc, esprit corrompu et salissant que vous êtes ?

— Vous me dites des injures ; vous êtes amoureux d’elle ! Oui, oui, c’est clair. Vous vous êtes moqué de moi ; vous m’avez dit que vous la trouviez laide, vous m’avez offert de me servir…, et j’ai donné dans le panneau. Ah ! comme l’amour rend bête ! Vous, cela vous a donné de l’esprit : c’est la preuve que vous aimez moins que moi !

— Vous avez la prétention d’aimer, vous qui ne connaissez que les voies de l’infamie, et qui croyez pouvoir acheter l’amour ?

— Voilà vos exagérations, et je m’étonne qu’un garçon aussi intelligent que vous comprenne si mal la réalité. Comment ! c’est outrager une femme que de la combler de présents et de richesses sans lui rien demander ?

— Mais on connaît cette manière de ne rien demander, mon cher ! Elle est à l’usage de tous les nababs impertinents, elle constate une confiance intérieure, une attente tranquille et perfide dont une femme d’honneur doit s’indigner. C’est une manière de placer un capital sur la certitude d’un plaisir personnel et sur l’inévitable lâcheté de la personne séduite : beau désintéressement en vérité, et, si j’étais femme, j’en serais singulièrement touchée !

Moserwald subit mon indignation avec une douceur étonnante. Assis devant une table, la tête dans ses mains, il paraissait réfléchir. Quand il releva la tête, je vis avec la plus grande surprise qu’il pleurait.