Page:Sand - Valvèdre.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelle curiosité cet homme m’inspirait. Il y avait de l’un et de l’autre. Mon rêve m’avait laissé une superstition. Je pris place à ses côtés.

— Avez-vous quelque voyageur nouveau ici ? me dit-il en me montrant le hameau, dont le petit clocher à jour se dessinait en blanc vif sur un fond de verdure sombre.

Des voyageurs ? Non ! répondis-je en me retranchant dans un jésuitisme des plus maladroits.

Je me sentais beaucoup moins d’aplomb pour cacher mon trouble à Moserwald, dont la sincérité m’était suspecte, que je n’en éprouvais à tromper effrontément Obernay, le plus droit, le plus sincère des hommes. C’était comme un châtiment de ma duplicité, cette lutte avec un juif qui s’y entendait beaucoup mieux que moi, et j’étais humilié de me trouver engagé dans cet assaut de dissimulation. Il eut un sourire d’astuce niaise en reprenant :

— Alors vous n’avez pas vu passer une certaine caravane de femmes, de guides et de mulets ?… Moi, je l’ai rencontrée hier au soir, à dix lieues d’ici, au village de Varallo, et je croyais bien qu’elle s’arrêterait à Saint-Pierre ; mais, puisque vous dites qu’il n’est arrivé personne…

Je me sentis rougir, et je me hâtai de répondre avec un sourire forcé que j’avais nié l’arrivée de nouveaux voyageurs, non celle de voyageuses inattendues.

— Ah ! bien ! vous avez joué sur le mot !… Avec