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je crus reconnaître et dont l’approche me fit singulièrement tressaillir. C’était M. Moserwald, je ne me trompais pas. Il montait à pied une côte rapide ; son petit char de voyage le suivait avec ses effets. Pourquoi le retour de cet homme me sembla-t-il un événement digne de remarque ? Il parut s’étonner de mes questions. Il n’avait pas dit qu’il quittât la vallée définitivement. Il était allé faire une excursion dans les environs, et, comptant en faire d’autres, il revenait à Saint-Pierre comme au seul gîte possible à dix lieues à la ronde. Pour lui, il n’était pas grand marcheur, disait-il ; il ne tenait pas à se casser le cou pour regarder de haut : il trouvait les montagnes plus belles, vues à mi-côte. Il admirait fort les chercheurs d’aventures, mais il leur souhaitait bonne chance et prenait ses aises le plus qu’il pouvait. Il ne comprenait pas qu’on parcourût les Alpes à pied et avec économie. Il fallait là plus qu’ailleurs dépenser beaucoup d’argent pour se divertir un peu.

Après beaucoup de lieux communs de ce genre, il me salua et remonta dans son véhicule ; puis, arrêtant son conducteur au premier tour de roue, il me rappela en disant :

— J’y songe ! C’est bientôt l’heure du dîner là-bas, et vous êtes peut-être en retard ? Voulez-vous que je vous ramène ?

Il me sembla qu’après s’être montré très-balourd, à dessein peut-être, il attachait sur moi un regard de perspicacité soudaine. Je ne sais quelle défiance ou