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gie, un cerveau sans étendue, un caractère inégal, irritable et mou ; aucune aptitude sérieuse et de sots dédains pour ce qu’elle ne comprend pas.

— Même pour la botanique ?

— Oh ! pour la botanique plus que pour toute autre chose.

— En ce cas, me voilà bien rassuré sur ton compte. Tu n’aimes pas, tu n’aimeras jamais cette femme-là !

— Cela, je t’en réponds, dit gaiement mon ami en rebouclant son sac et en repassant sa jeannette[1] en sautoir. Il est permis aux fleurs de ne pas aimer les femmes ; mais les femmes qui n’aiment pas les fleurs sont des monstres !

Il me serait bien impossible de dire pourquoi et comment cet entretien brisé et repris plusieurs fois durant le reste de la journée, et toujours sans aucune préméditation de part ou d’autre, engendra en moi une sorte de trouble et comme une prédisposition à subir les malheurs dont Obernay voulait me préserver. On eût dit que, doué d’une subite clairvoyance, il lisait dans le livre de mon avenir. Et pourtant je n’étais ni un caractère passif, ni un esprit sans réaction ; mais je croyais beaucoup à la fatalité. C’était la mode en ce temps-là, et croire à la fatalité, c’est la créer en nous-mêmes.

— Qui donc va s’emparer de moi ? me disais-je en

  1. C’est la boîte de fer battu où les botanistes mettent leurs plantes à la promenade pour les conserver fraîches.