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qui a failli porter son nom ! » Tu vois bien que, sans oser le dire, tu avais besoin de cela, puisque tu es si heureux d’avoir Paolino ! Tu verras l’autre aussi. Tu nous verras tous. Le temps est le grand guérisseur. Dieu l’a voulu ainsi, lui dont l’œuvre éternelle est d’effacer pour reconstruire. »

Les six semaines passèrent vite. — J’avais pris pour mon élève une affection si vive, que j’étais disposé à tout pour ne pas me séparer de lui irrévocablement. Je refusai le renouvellement de mon emploi, j’acceptai les offres d’Obernay sans les connaître, à la seule condition de pouvoir décider mon vieux père à venir se fixer près de moi. Ne devant plus rien à personne, je n’étais pas en peine de l’établir convenablement et de lui consacrer mes soins.

Blanville était un lieu admirable, avec une habitation simple, mais vaste et riante. Les belles ondes du Léman venaient doucement mourir au pied des grands chênes du parc. Quand nous approchâmes, Obernay arrivait au-devant de nous dans une barque avec Edmond Valvèdre, grand, beau et fort, ramant lui-même avec maestria. Les deux frères s’adoraient et s’étreignirent avec une ardeur touchante. Obernay m’embrassa en toute hâte et pressa le retour. Je vis bien qu’il me ménageait quelque surprise et qu’il était impatient de me voir heureux ; mais le héros de la fête fit manquer le coup de théâtre qu’on me préparait. Plus impatient que tous les autres, mon vieux père goutteux, courant et se traînant moitié sur sa