Page:Sand - Valvèdre.djvu/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’avoir à soigner et à servir cet enfant, qui me rappelait sa mère comme une image confuse à travers un rayon brisé. Par moments, c’était elle dans ses heures si rares de gaieté confiante. D’autres fois, c’était elle encore dans sa rêverie profonde ; mais, dès que l’enfant ouvrait la bouche, c’était autre chose : il avait, non pas rêvé, mais cherché et médité sur un fait. Il était aussi positif qu’elle avait été romanesque, passionné comme elle, mais pour l’étude, et ardent à la découverte.

Je le promenai partout. Je le présentai aux ouvriers comme un fils de l’atelier, et sur l’heure il fut pris en grande tendresse par ces braves gens. Je le fis manger avec moi. Je le fis coucher dans mon lit. C’était mon enfant, mon maître, mon bien, ma consolation, mon pardon !

Mais il se passa deux jours avant que j’eusse la force de lui parler de ses parents. Il n’avait presque rien oublié de sa mère. Il se rappelait surtout avoir vu revenir un cercueil après un an d’absence. Il était retourné tous les ans à Valvèdre depuis ce temps, avec son frère et sa tante Juste ; mais il n’y avait jamais revu son père.

— Mon papa n’aime plus cet endroit-là, disait-il ; il n’y va plus du tout.

— Et ton père…, lui dis-je avec une timidité pleine d’angoisse, il sait que tu es avec moi ?

— Mon père ? Il est bien loin encore. Il a été voir l’Himalaya. Tu sais où c’est ? Mais il est en route pour