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que tu n’as jamais perdue, mais l’estime de toi-même. Tiens, voilà de quoi t’encourager.

Il me montra un fragment de lettre de Valvèdre.

« Aie l’œil sur ce jeune homme, disait-il ; sache ce qu’il devient, et méfie-toi du premier désespoir. Lui aussi a reçu la foudre ! Il l’avait attirée sur sa tête ; mais, anéanti comme le voilà, il a droit à ta sollicitude. Il est le plus malheureux de tous, ne l’oublie pas, car il ne se fait plus d’illusions sur l’œuvre maudite qu’il a accomplie !

» Aux grandes fautes les grands secours avant tout, mon cher enfant ! Ton jeune ami n’est pas un être lâche ni pervers, tant s’en faut, et je n’ai pas à rougir pour elle du dernier choix qu’elle avait fait. Je suis certain qu’il l’eût épousée si j’eusse consenti au divorce, et j’y eusse consenti si elle eût longtemps insisté. Il faut donc remettre ce jeune homme dans le droit chemin. Nous devons cela à la mémoire de celle qui voulait, qui eût pu porter son nom.

» S’il demandait, un jour, à voir les enfants, ne t’y oppose pas. Il sentira profondément devant les orphelins son devoir d’homme et l’aiguillon salutaire du remords.

» Enfin, sauve-le ; que je ne le revoie jamais, mais qu’il soit sauvé ! Moi, je le suis depuis longtemps, et ce n’est pas de moi, de mon plus ou de mon moins de tristesse que tu dois t’occuper. S’oublier soi-même, voilà la grande question quand on n’est pas plus fort que son mal ! »