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elle suivait machinalement l’habitude de sa vie. Elle fut coquette d’esprit autant que de visage. Elle encouragea notre hôte à lui raconter les bruits de Genève, et, pleurant lorsqu’elle revenait à parler de ses enfants, elle eut des accès de rire nerveux quand, avec sa bonhomie railleuse, Moserwald lui retraça les ridicules de certains personnages de son ancien milieu.

En la voyant ainsi, Moserwald reprit de l’espérance.

— La distraction lui est bonne, me disait-il au bout de deux jours : elle se mourait d’ennui. Vous vous êtes imaginé qu’une femme du monde, habituée à sa petite cour, pouvait s’épanouir dans le tête-à-tête, et vous voyez qu’elle s’y est flétrie comme une fleur privée d’air et de soleil. Vous êtes trop romanesque, mon enfant, je ne puis assez vous le répéter. Ah ! si c’était moi qu’elle eût voulu suivre ! je l’aurais promenée de fête en fête, je lui aurais fait un milieu nouveau. Avec de l’argent, on fait tout ce qu’on veut ! Elle a des goûts aristocratiques : l’hôtel du juif serait devenu si luxueux et si agréable, que les plus gros bonnets y fussent venus saluer la beauté reine des cœurs et la richesse reine du monde ! Et vous, vous n’avez pas voulu comprendre ; vos fiertés, vos cas de conscience, ont fait de votre intérieur une prison cellulaire ! Vous n’avez pas pu y travailler, et elle n’a pas pu y vivre. Et que vous fallait-il pour qu’elle fût enivrée, pour qu’elle n’eût pas le temps de se repentir et de regretter sa famille ? De l’argent, rien que de