Page:Sand - Valvèdre.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, mais si naïvement !

— C’est peut-être joué, cette naïveté cynique. Que sait-on d’un juif ?

— Comment, tu aurais des préjugés de race, toi, l’homme de la nature ?

— Pas le moindre préjugé et pas la moindre prévention hostile. Je constate seulement un fait : c’est que l’israélite le plus insignifiant a toujours en lui quelque chose de profondément mystérieux. Sommité ou abîme, ce représentant des vieux âges obéit à une logique qui n’est pas la nôtre. Il a retenu quelque chose de la doctrine ésotérique des hypogées, à laquelle Moïse avait été initié. En outre, la persécution lui a donné la science de la vie pratique et un sentiment très-âpre de la réalité. C’est donc un être puissant que je redoute pour l’avenir de la société, comme je redoute pour cette forêt où nous voici la chute des blocs de granit que les glaces retiennent au-dessus d’elle. Je ne hais pas le rocher, il a sa raison d’être, il fait partie de la charpente terrestre. Je respecte son origine, et même je l’étudie avec un certain trouble religieux ; mais je vois la loi qui l’entraîne, et qui, tout en le désagrégeant, réunit dans une commune fatalité sa ruine et celle des êtres de création plus moderne qui ont poussé sur ses flancs.

— Voilà, mon ami, une métaphore par trop scientifique.

— Non, non, elle est juste ! Notre sagesse, notre science religieuse et sociale ont pris racine dans la