Page:Sand - Valvèdre.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.

peux avoir jusqu’à l’héroïsme. Ne me ménage donc pas, si cela te soulage un peu, et dis-moi que tu ne m’aimes pas, pourvu que tu me dises ce qu’il faut faire et ce qu’il faut être pour que tu m’aimes !

Alida s’attendrit de ma résignation, mais elle n’avait plus la force de se relever par l’enthousiasme. Elle colla ses lèvres sur mon front en pleurant, comme un enfant, avec des cris et des sanglots ; puis, écrasée de fatigue, elle s’endormit enfin.

Ces émotions la ranimèrent un instant ; le lendemain, elle fut mieux, et je vis renaître l’impatience du départ. C’est ce que je redoutais le plus.

Nous demeurions près de Palerme. Tous les jours, j’y allais en courant pour voir s’il n’y avait rien pour moi à la poste. Ce jour-là fut un jour d’espoir, un dernier rayon de soleil. Comme j’approchais de la ville, je vis une voiture de louage qui en sortait et qui venait vers moi au galop. Un avertissement mystérieux me cria dans l’âme que c’était un secours qui m’arrivait. Je me jetai à tout hasard, comme un fou, à la tête des chevaux. Un homme se pencha hors de la portière : c’était lui, c’était Moserwald !

Il me fit monter près de lui et donna l’ordre de continuer, car c’est chez nous qu’il venait. Le trajet était si court, que nous échangeâmes à la hâte les explications les plus pressées. Il avait reçu ma lettre, avec celle que je lui envoyais pour Henri, à deux mois de date, par suite d’un accident arrivé à son secrétaire, qui, blessé et gravement malade, avait oublié