Page:Sand - Valvèdre.djvu/309

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tiens, me dit-elle, dans un accès d’abattement invincible, je vois bien que je me meurs !

Et, mettant ses mains pâles et amaigries sur ma bouche :

— Ne te moque pas, ne ris pas ! je sais ce que cette gaieté te coûte, et que, la nuit, seul avec la certitude inévitable, tu pleures ton rire ! Pauvre cher enfant, je suis un fléau dans ta vie et un fardeau pour moi-même. Tu ferais mieux, pour nous deux, de me laisser mourir bien vite.

— Ce n’est pas la maladie, lui répondis-je navré de sa clairvoyance, c’est le chagrin ou l’ennui qui te consume. Voilà pourquoi je ris de tes maux physiques prétendus incurables, tandis que je pleure de tes souffrances morales. Pauvre chère âme, que puis-je donc faire pour toi ?

— Une seule et dernière chose, dit-elle : je voudrais embrasser mes enfants avant de mourir.

— Tu embrasseras tes enfants, et tu ne mourras pas ! m’écriai-je.

Et je feignis de tout préparer pour le départ ; mais, au milieu de ces préparatifs, je tombais brisé de découragement. Avait-elle la force de retourner à Genève ? n’allait-elle pas mourir en route ? Une autre terreur s’emparait de moi, je n’avais plus d’argent. J’avais écrit à Moserwald de m’en prêter encore, et je ne pouvais douter de sa confiance en moi. Il n’avait pas répondu : était-il malade ou absent ? était-il mort ou ruiné ? Et qu’allions-nous de-