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connu et ne le connaîtra jamais. Elle ne se dévouera à personne, et elle pourra cependant se donner la mort pour faire croire qu’elle aime ; car il lui faut ce jeu, ce drame, cette tragi-comédie de la passion qui l’émeut sur la scène et qu’elle voudrait réaliser dans son boudoir. Despote blasé, elle s’ennuie de la soumission, et la résistance l’exaspère. Froide de cœur et ardente d’imagination, elle ne trouve jamais d’expression assez forte pour peindre ses délires et ses extases d’amour, et, quand elle accorde un baiser, c’est en détournant sa tête épuisée, et en pensant déjà à autre chose.

» Tu la connais maintenant. Ne la prends pas en dédain, mais plains-la. C’était une fleur du ciel qu’une détestable éducation a fait avorter en serre chaude. On a développé la vanité et fait naître la sensibilité maladive. On ne lui a pas montré une seule fois le soleil. On ne lui a pas appris à admirer quelque chose à travers la cloche de verre de sa plate-bande. Elle s’est persuadé qu’elle était l’objet admirable par excellence, et qu’une femme ne devait contempler l’univers que dans son propre miroir. Ne cherchant jamais son idéal hors d’elle, ne voyant au-dessus d’elle-même ni Dieu, ni les idées, ni les arts, ni les hommes, ni les choses, elle s’est dit qu’elle était belle, et que sa destinée était d’être servie à genoux, que tout lui devait tout, et qu’à rien elle ne devait rien. Elle n’est jamais sortie de là, bien qu’elle ait des paroles qui pourraient énerver la volonté la mieux