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êtes destiné certainement à écrire sur les sciences, ne fût-ce que pour rendre compte de vos découvertes au jour le jour ; vous aurez le fond, mais aurez-vous la forme, et croyez-vous que la science ne serait pas plus répandue, si une démonstration facile, une expression agréable et colorée, la rendaient plus accessible aux artistes ? Je vois bien votre entêtement : vous voulez être positif et ne travailler que pour vos pareils. Vous prétendez, je m’en souviens, qu’un véritable savant doit aller au fait, écrire en latin, afin d’être à la portée de tous les érudits de l’Europe, et laisser à des esprits d’un ordre moins élevé, à des traducteurs, à des vulgarisateurs, le soin d’éclaircir et de répandre ses majestueuses énigmes. Cela est d’un paresseux et d’un égoïste, permettez-moi de vous le dire. Vous qui prétendez qu’il y a du temps pour tout, et qu’il ne s’agit que de savoir l’employer avec méthode, vous devriez vous perfectionner comme orateur ou comme écrivain, ne pas tant dédaigner les succès de salon, étudier, dans la vie que nous menons, l’art de bien dire et d’embellir la science par le sentiment de toutes les beautés. Alors vous seriez le génie complet, le dieu que je rêve en vous malgré vous-même, et moi, pauvre femme, je pourrais ne pas vivre à sept mille mètres au-dessous de votre niveau, comprendre vos travaux, en jouir, et en profiter par conséquent. Voyons, devons-nous rester isolés en nous tenant la main ? Votre amour veut-il faire une part pour vous et une pour moi dans cette vie que nous devons traverser ensemble ?