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sit sous l’auvent d’une sorte de masure située à l’un des bouts de l’enclos. Là, il me parla ainsi :

— D’abord faites attention, mon cher ! Tout ce qui se dit sous la treille peut être entendu à droite et à gauche à travers les murs, qui ne sont ni épais ni hauts. À gauche, vous avez le jardin de Manassé, un de mes pauvres coreligionnaires qui m’est tout dévoué ; c’est là que vous étiez tout à l’heure avec elle, j’ai tout entendu ! À droite, le mur est encore plus perfide, je l’ai fait amincir et percer d’ouvertures imperceptibles qui permettent de voir et d’entendre ce qui se passe dans le jardin des Obernay. Ici, entre les deux enclos, vous êtes chez moi. J’ai acheté ce lopin de terre pour être auprès d’elle, pour la regarder, pour l’écouter, pour surprendre ses secrets, s’il est possible. J’ai fait le guet pour rien tous ces jours-ci ; mais, aujourd’hui, en écoutant par hasard de l’autre côté, j’en ai appris plus que je ne voudrais en savoir. N’importe, c’est un fait accompli. Elle vous aime, je n’espère plus rien ; mais je reste son ami et le vôtre. Je vous l’avais promis, je n’ai qu’une parole. Je vois que vous êtes grandement affligés et tourmentés tous les deux. Je serai, moi, votre providence. Restez caché ici ; la baraque n’est pas belle, mais elle est assez propre en dedans. Je l’ai fait arranger en secret et sans bruit, sans que personne s’en soit douté, il y a déjà six mois, lorsque j’espérais qu’elle serait, un jour ou l’autre, touchée de mes soins, et qu’elle daignerait venir se reposer là… Il n’y faut plus songer ! Elle y