Page:Sand - Valvèdre.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.

croyait entrer dans un musée de figures plus ou moins belles, mais toutes noblement caractérisées et dignes de la statuaire et du pinceau.

J’avais à peine fini ma toilette, qu’Obernay vint m’appeler.

— Valvèdre est en bas, me dit-il ; il t’attend pour faire connaissance et déjeuner avec toi.

Je descendis en toute hâte ; mais, à la dernière marche de l’escalier, il me vint une terreur étrange. Une vague appréhension qui, depuis quinze jours, m’avait souvent traversé l’esprit et qui m’était revenue fortement dans la journée, s’empara de moi à tel point, que, voyant la porte de la maison ouverte, j’eus envie de fuir ; mais Obernay était sur mes talons, me fermant la retraite. J’entrai dans la salle à manger. Le repas était servi ; une voix à la fois douce et mâle partait du salon voisin. Plus d’incertitude, plus de refuge ; mon inconnu du Simplon, c’était M. de Valvèdre lui-même.

Un monde de mensonges plus impossibles les uns que les autres, un siècle d’anxiétés remplirent le peu d’instants qui me séparaient de cette inévitable rencontre. Qu’allais-je dire à M. de Valvèdre, à Henri, à Paule et devant les deux familles, pour motiver ma présence aux environs de Valvèdre, quand on m’avait cru dans le nord de la Suisse à cette même époque ? À cette crainte se joignait un sentiment de douleur inouïe et qu’il m’était impossible de combattre par les raisonnements vulgaires de l’égoïsme. Je l’aimais, je