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tisser, ni rendre inaccessible, l’étude des lois de l’univers. Nous discutâmes un peu sur ce point. Je voulus lui prouver qu’il est, en effet, des situations sociales où la science même est entravée par la superstition, l’hypocrisie, ou, ce qui est pis, par l’indifférence des gouvernants et des gouvernés. Il haussa légèrement les épaules.

— Ces entraves-là, dit-il, sont des accidents transitoires dans la vie de l’humanité. L’éternité s’en moque, et la science des choses éternelles par conséquent.

— Mais, nous qui n’avons qu’un jour à vivre, pouvons-nous en prendre à ce point notre parti ? Si tu avais en ce moment devant les yeux la preuve que tes travaux seront enfouis ou supprimés, ou tout au moins sans aucun effet sur tes contemporains, les poursuivrais-tu avec autant d’ardeur ?

— Oui certes ! s’écria-t-il : la science est une maîtresse assez belle pour qu’on l’aime sans autre profit que l’honneur et l’ivresse de la posséder.

Mon orgueil souffrit un peu de la bravoure enthousiaste de mon ami. Je fus tenté, non de douter de sa sincérité, mais de croire à quelque illusion, ferveur de novice. Je ne voulus pas le lui dire et commencer notre reprise d’amitié par une discussion. J’étais, d’ailleurs, très-fatigué. Je n’attendis pas que son compagnon le savant fût revenu de sa promenade, et je remis au lendemain l’honneur de lui être présenté.

Mais, le lendemain, j’appris que M. de Valvèdre, qui se préparait depuis plusieurs jours à une grande ex-