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vais voulu guérir et que je venais avouer ma défaite ; si l’imposture ne suffisait pas pour bouleverser cette âme déjà troublée, je serais plus cruel et plus fourbe encore : je feindrais de vouloir m’éloigner pour jamais, et de venir seulement me fortifier par un dernier adieu.

Il y avait bien des moments où la conscience de la jeunesse et de l’amour se révoltait en moi contre cette tactique de roué vulgaire. Je me demandais si j’aurais le sang-froid nécessaire pour faire souffrir sans tomber à genoux aussitôt, si tout cet échafaudage de ruses ne s’écroulerait pas devant un de ces irrésistibles regards de langueur plaintive et de résignation désolée qui m’avaient repris et vaincu déjà tant de fois ; mais je m’efforçais de croire à ma perversité, de m’étourdir, et j’avançais rapide et palpitant sous la molle clarté des étoiles, à travers les buissons déjà chargés de rosée. Je me dirigeai si bien, que j’arrivai au pied de la villa sans avoir éveillé un oiseau dans la feuillée, sans avoir été senti de loin par un chien de garde.

Un élégant et vaste perron descendait de la terrasse au parterre ; mais il était fermé par une grille, et je n’osais faire entendre aucun appel. D’ailleurs, je voulais surprendre, apparaître comme le deus ex machina. Madame de Valvèdre veillait encore, il n’était qu’onze heures. Une seule de ses fenêtres était éclairée, ouverte même, avec le rideau rose fermé.

Escalader la terrasse n’était pas facile ; il le fallait