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clin d’œil. Je tenais son ombrelle quand elle était assise, je débarrassais son écharpe des brins de mousse qu’elle avait ramassés en frôlant les sapins ; je lui trouvais des fraises là où il n’y en avait pas ; je crois que j’aurais fait fleurir des camellias sur le glacier. Et je prenais tous ces soins classiques, je lui rendais tous ces hommages, aujourd’hui passés de mode et dès lors assez rebattus, avec une ivresse de bonheur qui m’empêcha d’être ridicule. Elle essaya bien d’abord de s’en moquer ; mais, voyant que je me livrais tout entier à son dédain et à son ironie sans me plaindre et sans me décourager, elle devint sérieuse, et je sentis qu’à chaque instant elle s’attendrissait.

Le soir, dans sa chambre, après le départ des fusées qui nous signalèrent l’expédition dans une région moins élevée que la veille, mais plus éloignée au flanc de la montagne, elle reprit sa broderie, et les fiancés reprirent leur étude. Je m’assis auprès d’elle et lui offris de lui faire la lecture à voix basse.

— Je veux bien, dit-elle avec douceur en me montrant mon volume de poésies sur son guéridon. J’ai tout lu, mais les vers se laissent relire.

— Non, pas ceux-ci ! ils sont médiocres.

— Ils sont jeunes, ce n’est pas la même chose. N’avons-nous pas fait hier le panégyrique de la jeunesse ?

— Il y a jeunesse et jeunesse, celle qui attend l’amour et celle qui l’éprouve. La première parle beaucoup pour ne rien dire, la seconde ne dit rien et comprend l’infini.