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comme une personne délivrée ; puis elle revint à son lit et se laissa tomber assise, avec la raideur que donnent le découragement et la maladie. Bénédict se pencha et put la voir. Il eût pu se montrer tout à fait sans qu’elle y prît garde. Les bras pendants, l’œil fixé sur le parquet, elle était là comme une froide statue ; ses facultés semblaient épuisées, son cœur éteint.



XXIII.

Bénédict entendit successivement fermer toutes les portes de la maison. Peu à peu les pas des domestiques s’éloignèrent du rez-de-chaussée, les reflets que quelques lumières errantes faisaient courir sur le feuillage s’éteignirent ; les sons lointains des instruments et quelques coups de pistolet qu’il est d’usage en Berry de tirer aux noces et aux baptêmes en signe de réjouissance, venaient seuls par intervalles rompre le silence. Bénédict se trouvait dans une situation inouïe, et qu’il n’eût jamais osé rêver. Cette nuit, cette horrible nuit qu’il devait passer dans les angoisses de la rage le réunissait à Valentine ! M. de Lansac retournait seul à son gîte, et Bénédict, le désolé Bénédict, qui devait se brûler la cervelle dans un fossé, était là enfermé seul avec Valentine ! Il eut des remords d’avoir renié son Dieu, d’avoir maudit le jour de sa naissance. Cette joie imprévue, qui succédait à la pensée de l’assassinat et à celle du suicide, le saisit si impétueusement qu’il ne songea pas à en calculer les suites terribles. Il ne s’avoua pas que, s’il était découvert en ce lieu, Valentine était perdue ; il ne se demanda pas si cette conquête inespérée d’un instant de