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toujours blonde, toujours blanche ; voilà tes yeux bleus si doux, ton sourire si caressant ! C’est moi qui t’ai élevée, Valentine, tu t’en souviens ! C’est moi qui préservais ton teint du hâle et des gerçures ; c’est moi qui prenais soin de tes cheveux et qui les roulais chaque jour en spirales dorées ; c’est à moi que tu dois d’être restée si belle, Valentine ; car ta mère ne s’occupait guère de toi ; moi seule je veillais sur tous tes instants…

— Oh ! je le sais, je le sais ! Je me rappelle encore les chansons avec lesquelles vous m’endormiez ; je me souviens qu’à mon réveil je trouvais toujours votre visage penché vers le mien. Oh ! comme je vous ai pleurée, Louise ! Comme j’ai été longtemps sans savoir me passer de vous ! Comme je repoussais les soins des autres femmes ! Ma mère ne m’a jamais pardonné l’espèce de haine que je lui témoignais alors, parce que ma nourrice m’avait dit : « Ta pauvre sœur s’en va, c’est ta mère qui la chasse. » Oh ! Louise ! Louise ! vous m’êtes enfin rendue !

— Et nous ne nous séparerons plus, n’est-ce pas ? s’écria Louise ; nous trouverons le moyen de nous voir souvent, de nous écrire. Tu ne te laisseras pas effrayer par les menaces ; nous ne redeviendrons jamais étrangères l’une à l’autre ?

— Est-ce que nous l’avons jamais été ! répondit-elle ; est-ce que cela est au pouvoir de quelqu’un ! Tu me connais bien mal, Louise, si tu crois que l’on pourra te bannir de mon cœur quand on ne l’a pas pu même dès les jours de ma faible enfance. Mais, sois tranquille, nos maux sont finis. Dans un mois je serai mariée ; j’épouse un homme doux, sensible, raisonnable, à qui j’ai parlé de toi souvent, qui approuve ma tendresse, et qui me permettra de vivre auprès de toi. Alors, Louise, tu n’auras plus de chagrin, n’est-ce pas ?