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— Oui, impossible ! répondit Pierre André, car jamais deux âmes n’ont été aussi semblables que les nôtres. Timides et concentrés tous deux, nous avons pourtant la même franchise et la même droiture. Nous avons les mêmes goûts avec les mêmes empêchements pour les manifester en public, mais avec le même besoin de nous les révéler l’un à l’autre et de les savourer en commun. Nous adorons la nature et nous aimons les champs ; séparés, nous les avons aimés avec mélancolie, et nous allons les aimer avec transport ! mais ce qui nous a le plus manqué, manqué à tous deux, je t’assure, c’est l’amour vrai, l’amour partagé, la confiance illimitée en un être qui est un autre nous-même. À quarante ans, je t’apporte un cœur qui ne s’est nourri que de rêves et qui est vierge de cet amour-là. Accepte-le comme ton bien, car tu seras tout pour lui, le passé, le présent et l’avenir.

Il faisait nuit quand Pierre et sa mère quittèrent Validat. Madame André voulut marcher un peu, et puis elle monta dans la patache en les laissant la suivre, car elle sentait qu’ils avaient besoin de se parler seul à seul, et Marianne, qui avait la voiture pour revenir chez elle, marcha jusqu’à Dolmor au bras de son parrain, qu’elle s’était remise à tutoyer et à appeler Pierre.

— Quelle nuit ! lui disait-il en regardant avec