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moi si nulle et si faible, avec un maître sans cervelle ? Ce n’est pas possible, et, comme il voulait absolument savoir mon opinion sur son compte, je la lui ai dite tout bonnement, comme je vous la dis.

— Raconte-nous donc comment cela s’est passé, dit madame André. Et d’abord, où étiez-vous ? Est-ce dans l’étable à bœufs qu’il t’a fait sa déclaration ?

— Non, c’est dans le pré, là, de l’autre côté du buisson. Je m’étonne que vous ne nous ayez pas entendus, car nous nous disputions fort en marchant. Quant à la déclaration, elle était toute faite ici, devant vous, sous l’influence du vin muscat, et il n’avait pas besoin d’y revenir. Il a parlé mariage de suite ; mais, comme mon parti était déjà pris, je lui ai répondu tout de suite que je ne voulais pas me marier ; de là la querelle. Il a le vin mauvais quand on le contrarie. Il m’a reproché d’être une coquette de village et de l’avoir roué tout le temps du dîner. Il m’a même dit des choses assez dures que je me suis laissé dire, je les méritais. J’avais été coquette certainement, et je mentirais si je ne l’avouais pas ; seulement mes coquetteries n’étaient pas pour lui, et, comme je ne pouvais pas lui confesser mon secret, j’ai mieux aimé lui laisser penser de moi ce qu’il voudra.