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de penser que nous allons conduire ce joli cœur à Marianne, et que, l’ayant reçu et accueilli, nous voilà forcés de le trouver charmant devant elle. Eh bien, non ! Quant à moi, je ne ferai pas ce mensonge, je le trouve ridicule et insupportable, et je ne promets pas de ne pas laisser voir ce que je pense de lui.

— Tu le juges trop vite, répondit Pierre en s’asseyant auprès de sa mère, qui s’était jetée avec humeur sur le sofa. Ce n’est ni une bête, ni un méchant garçon ; ses manières, qui ont trop d’aplomb, j’en conviens, plairont peut-être à Marianne, qui sait ? Marianne n’a peut-être pas tout le jugement que tu lui attribues, et que sur ta parole je lui ai attribué aussi.

— Marianne a beaucoup d’esprit, s’écria madame André, et beaucoup de raison ; tu ne la connais pas.

— C’est vrai ; elle est très-mystérieuse pour moi.

— C’est ta faute ; tu lui parles si peu et tu profites si mal des occasions de la connaître !

— C’est un peu ma faute, mais encore plus la tienne. Je t’assure qu’elle aime le rôle de sphinx, et, moi, je n’ai pas la hardiesse de Philippe Gaucher pour soulever le voile de pudeur d’une jeune fille. Elle a beau être une enfant pour moi, c’est une femme, et je ne sais pas brutaliser la réserve d’une femme.