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sur la terrasse et regardant Marianne, qui jouait avec sa mère au salon ; faiblement éclairée par une petite lampe à abat-jour vert, elle était aussi attentive à sa partie, aussi volontairement effacée, aussi impassible que les autres jours.

— Qui sait, se disait Pierre, si ce n’est pas une intelligence refoulée par un état nerveux particulier ? Beaucoup de jeunes gens bien doués avortent, faute de la faculté physique nécessaire au travail intellectuel. Chez les femmes, on ne fait pas attention à ces inconséquences de l’organisation, elles prennent un autre cours et arrivent à d’autres résultats. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’on leur demande de se faire elles-mêmes un état qui exige de grands efforts d’esprit ou une ténacité soutenue à l’étude. D’où vient que Marianne se tourmente de devenir une exception ? Connaîtrait-elle comme moi le chagrin secret de n’avoir pas su utiliser sa propre valeur ? Ceci n’est point un mal féminin. La femme a un autre but dans la vie. Être épouse et mère, c’est bien assez pour sa gloire et son bonheur.

À neuf heures, Marianne embrassa madame André, tendit la main à son parrain et sauta adroitement sur le flanc de Suzon, qui était dressée à étendre ses quatre jambes pour se faire plus petite. L’amazone et sa monture étaient si légères toutes deux qu’on entendit à peine sur