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venir ici les années suivantes aux époques des vacances. Tu as cru devoir me distraire d’une anxiété que je n’éprouvais déjà plus après la première année d’absence. Tu es venu prendre tes propres vacances avec moi. Tu m’as fait voyager, tu m’as conduit à la mer, et puis en Suisse, et puis à Florence et à Rome ; bref tu as fait si bien qu’il y avait tantôt quatre ans que je n’avais vu Émilie. Il en est résulté que je craignais de la revoir et de ne plus la trouver aussi charmante qu’elle m’était apparue dans la splendeur de ses dix-huit ans.

» Je songeais à cela en galopant vers sa demeure au coucher du soleil, et j’étais tenté de modérer l’ardeur de Prunelle, qui dévorait l’espace. Force lui a été pourtant de se calmer aux approches de Vignolette et de monter au pas le raidillon de sable qu’il faut gravir pour apercevoir le toit de la maison, enfoui dans le feuillage. Là, mon esprit inquiet s’est calmé aussi, et j’ai senti je ne sais quel attendrissement me gagner. La soirée était admirable, il y avait de l’or dans le ciel et sur la terre. Les montagnes m’apparaissaient dans des brumes d’un violet rosé. Le chemin brillait sous mes pieds comme une poussière de rubis. Les vignes ondulaient follement sur les collines, et leurs grands rameaux pourprés, chargés de fruits déjà noirs, se dressaient et se penchaient en festons plantu-