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france de la solitude ou elle l’a acceptée, et il suffit de regarder le velouté de ses joues, la pureté de ses paupières lisses et de ses lèvres rosées pour voir que jamais une idée impudique ou seulement hardie n’a jeté son ombre sur cette fleur, sur ce diamant. Jacques, dans ses heures d’abandon, me confessait ses grosses fredaines, et je ne riais pas, parce que je me rappelais mes mauvaises ivresses. Si je suis réconcilié avec moi-même en raison de mes bonnes résolutions, je ne suis pas encore débarrassé d’une certaine honte en présence d’Émilie. Nous voilà enfin réunis, vivant sous les yeux l’un de l’autre. À tout instant où je puis l’approcher sans être importun, je cherche son sourire, je lui offre mes soins, je parle avec elle de notre ancien temps, c’est-à-dire de nos anciennes et heureuses amours ! Elle n’a rien oublié, je le vois bien ; elle me sait gré de ma bonne mémoire et elle rit ou soupire au souvenir de nos chagrins et de nos joies d’enfant. Elle comprend bien que je ne ravive pas ardemment tout ce passé pour l’ensevelir dans un stérile regret ; mais, quand je suis prêt à mettre dans le présent le mot bonheur, je m’aperçois qu’il faut commencer par celui de pardon, et, sentant que je n’y aurai droit qu’après des années réparatrices, je ne dis plus rien. Quand donc, hélas ! verrai-je approcher le jour où je pourrai lui dire : Sois ma femme !