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avons senti qu’il ne nous fallait pas d’excitants et que nous étions bien assez émus par tout ce que nous avions dans l’âme.

— C’est donc cela que je te trouve pâli, rafraîchi et comme rajeuni ? Continue ce régime, mon garçon, et en peu de semaines tu redeviendras le beau Jaquet.

— Soyez tranquille, mon oncle, je vois bien pourquoi, après avoir été la coqueluche de tant de femmes qui s’y connaissaient, j’ai échoué auprès d’une petite pensionnaire qui, sans vous, ne m’eût point aimé. Il s’agit de redevenir capable de plaire. Je n’ai pas envie de la faire rire à mon premier baiser.

— Ajoute une chose, lui dit Henri, c’est que tu as fait sur la vie des réflexions que tu n’avais jamais voulu prendre le temps de faire ! Nous nous sommes confessés mutuellement, nous ne valions guère mieux l’un que l’autre ; mais nous avons touché du doigt nos erreurs. Tu n’en cherchais pas assez, comme on dit ; moi, j’en cherchais trop : nous allons marcher dans le vrai, et, si notre vie n’est pas belle et bonne, j’espère que ce ne sera plus notre faute.

Jacques s’éloigna pour aller cueillir avec Marie et Ninie, qui fort à propos ne la quittait non plus que son ombre, le bouquet nouveau qui chaque jour ornait notre table de famille. La gelée n’avait pas encore sévi. Le jardin avait encore