en remplissant l’assiette de la comtesse, placée à ma droite et traitée par nous tous avec toutes les formes de la meilleure hospitalité. On avait placé la chaise de Ninie auprès d’elle. Elle mit de l’affectation à l’envoyer auprès de mademoiselle de Nives.
— À côté de Suzette ? s’écria l’enfant. Ah ! maman, que vous êtes gentille !
— C’est la première parole aimable qu’elle m’ait adressée en sa vie, me dit madame Alix à voix basse.
— Et ce ne sera pas la dernière, répondis-je. Trop livrée à vos domestiques, elle apprenait d’eux la méfiance et la révolte. Élevée sainement par des âmes généreuses, elle rapprendra à vous respecter.
Fort rassurés sur son compte, nous la mîmes dans sa voiture, à la nuit tombée, et Marie apporta une dernière fois l’enfant dans ses bras en lui répétant qu’on se reverrait dans quinze jours. Madame Alix crut alors devoir faire quelques haut-le-corps, comme une personne qui sanglote ; puis, se penchant vers moi en me rendant Ninie :
— Rappelez-vous, me dit-elle, que je veux une hypothèque !
Comme la voiture partait, j’eus un fou rire qui ébahit Miette et ma femme, aussi naïves l’une que l’autre, et toutes disposées à s’attendrir.