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— Vous avez donc des secrets tous les deux ? dit ma femme, frappée de l’air malin et mystérieux de l’enfant.

— Oh oui ! de grands secrets et que je ne dirai pas, répondit-elle en mettant ses petites mains sur la bouche d’Henri. Ne les dis pas non plus, toi, mon dada Henri, et emporte-moi à la fontaine.

— Non, c’est impossible, dit Henri, il n’y a pas de fontaine ce soir. La pluie noierait nos bateaux de papier ; ce sera pour un autre jour.

Il se leva et sortit. Ninie se prit à pleurer. Ma femme voulut la consoler. Je ne lui en donnai pas le temps, je la pris dans mes bras et je la portai dans mon cabinet pour lui montrer des images. Quand elle fut consolée, je tâchai, sans la questionner, de voir si elle était capable de garder un secret ; je lui promis de lui faire de très-beaux bateaux de papier le lendemain et de les faire voguer sur le bassin du jardin.

— Non, non, dit-elle, ton bassin n’est pas assez joli. Sur la fontaine du pré ! c’est là que l’eau est belle et claire. Et puis il y a Suzette qui sait m’amuser bien mieux que toi, mieux qu’Henri et que tout le monde.

— Suzette est donc une petite de ton âge que tu as rencontrée là ?

— De mon âge ? je ne sais pas ; elle est bien plus grande que moi.