Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dre, il est vrai, à faire cette visite embarrassante ; mais j’ai vu votre nièce à la promenade. Je l’ai trouvée fort bien, et, comme le mariage est une chose grave qui demande réflexion, je suis revenu chez moi pour réfléchir un peu.

LE VOISIN.

À quoi diable voulez-vous réfléchir ? Vous savez tout ce qui concerne cette jeune veuve. Elle est de bonne famille, elle n’a pas d’enfants, son âge est assorti au vôtre ; elle est sage, belle, instruite, aimable. Il n’y a qu’une voix sur son compte ; elle est au moins aussi aisée que vous…

DURAND.

Tout cela est vrai, mon voisin. Pourquoi vous enflammez-vous ? Est-ce que je vous contredis ? Je vous dis que je l’ai vu ! C’est une grande blonde, mince, élégante, un peu maigre, par exemple !

LE VOISIN.

Que diable me dites-vous là ?

DURAND.

Oui, oui, elle est un peu maigre… C’est dommage ! … Et très-blonde… Je l’eusse préférée brune !

LE VOISIN.

Ah çà ! voisin, vous qui parlez du sens oculaire, je vous déclare que vous en êtes tout à fait dépourvu. Élise est petite, brune et d’un aimable embonpoint, comme on disait de mon temps. C’est une autre que vous avez regardée ; c’est son amie, madame de Saintos, que vous avez prise pour elle !

DURAND.

Ah !… Alors, votre nièce est cette brunette qui lui donnait le bras ? Oui, oui, j’ai fait attention aussi à celle-là… Diantre ! elle est jolie !… Un peu trop brune et un peu trop petite… Pourtant j’y penserai, elle le mérite… J’y pense ! Donnez-moi le temps de m’habituer à l’idée d’une petite brune, moi qui, depuis trois jours, ne cessais de méditer sur les particularités physiologiques d’une grande blonde.

LE VOISIN.

Durand, voulez-vous que je vous dise ma faconde penser ?