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CHRÉMYLE.

Tais-toi, imbécile !

CARION.

Laissez-moi parler, mon maître ! Un simple peut quelquefois enseigner ceux qui se croient sages.

CHRÉMYLE.

Les sages disent qu’il ne faut pas couper la langue aux esclaves, parce que ceux qui parlent avec le plus de liberté sont les meilleurs serviteurs. Allons, dis !

CARION.

Voilà parler enfin en homme raisonnable, et je suis assez content de vous, bien que vous agissiez généralement comme une bête !

CHRÉMYLE.

Tu prends trop de liberté.

CARION.

Non, si c’est dans votre intérêt que je raisonne. Dites-moi un peu ce que vous retirez de tous les sacrifices que vous faites aux dieux ? Le meilleur de vos fruits et de vos troupeaux y passe, et autant vaudrait, comme on dit en Béotie, sauf respect, jouer un air de flûte dans le derrière d’un chien.

CHRÉMYLE.

Tu voudrais me voir agir comme ces avares qui n’offrent que des bêtes malades ou des fruits gâtés ?

CARION.

Non, les sacrifices sont bons ; mais il faut qu’ils nous profitent, et, quand une divinité est sourde comme une pierre, il faut la planter là et s’adresser à une autre.

CHRÉMYLE.

À qui t’adresserais-tu donc, si tu étais à ma place ?

CARION.

Je ne m’adresserai pas à votre beau musicien, père des Muses. Celui-là n’est bon qu’à jouer de la musette pour faire danser les cigales dans les blés. Je ne ferais pas plus de cas de la sage Minerve, qui promet toujours la paix et donne toujours la guerre. Je tournerais le dos à la blonde Cérès, qui a