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n’est pas certain qu’Henri soit celui de l’homme dont il porte le nom. Je ne puis rien affirmer ; mais, il y a six mois, mon père, qui était un homme de cœur et mon meilleur ami, m’a dit à son lit de mort : « Jacques, j’ai rendu ta mère heureuse, je n’ai rien à me reprocher envers elle ; mais, avant de la connaître, j’avais aimé une jeune fille qui, trop riche pour moi, fut mariée au marquis de Trégenec. Depuis ce jour, je ne l’ai revue qu’une fois, pour lui dire un éternel adieu. Mais cette entrevue et la découverte de notre ancienne affection ont éveillé chez le marquis une jalousie implacable. Madame de Trégenec est morte de chagrin, et son fils Henri, élevé loin du toit paternel, confié à des soins étrangers, semble désavoué secrètement. Je n’ai pas voulu le connaître, c’eût été accréditer les soupçons ; mais une lettre de sa mère mourante l’a mis, à tout événement, sous ma protection, et j’ai fait, dans mon cœur, le serment de ne pas abandonner au malheur le fils d’une femme dont le souvenir m’a toujours été cher et sacré. Jusqu’ici, j’ai veillé, de loin, sur lui. À présent, c’est à ton tour, si tu m’aimes ! » Mon père n’a pu s’expliquer davantage. J’ai juré… il m’a béni… il n’est plus, et je viens tenir ma parole.

LE DOCTEUR, lui tendant la main.

Monsieur de la Hyonnais, vous êtes un brave jeune homme ! J’aime à croire qu’Henri sera digne de ce dévouement. Je ne dois pas vous dissimuler que son caractère est plus séduisant que solide. C’est une âme expansive et légère, tour à tour ardente et froide, éprise du vrai et du faux ; mais une affection sérieuse comme la vôtre peut lui faire beaucoup de bien.

LA HYONNAIS.

Et sa position ?…

LE DOCTEUR.

Ne doit pas vous préoccuper. Il a la fortune de sa mère, que le marquis a placée en terres dans ce pays-ci ; d’ailleurs, la loi lui garantit l’héritage de l’homme dont le nom ne saurait lui être contesté.