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CÉLIA.

Oh ! l’aimable homme ! Raison de plus pour ne pas me laisser en compagnie de moi-même ! Voyons, monsieur Jacques, restez jusqu’à ce que vienne ma cousine. Je ne me soucie pas beaucoup de votre conversation, et je sais que vous haïssez la mienne ; mais j’ai peur d’être seule, et je vous prie de ne pas trop vous éloigner.

JACQUES.

Oh ! tyrannie des femmes, caprice égoïste ! comme je me ris de ton empire !

Il va s’asseoir sur le devant à gauche.
CÉLIA, à part.

Et pourtant le voilà qui s’arrange pour rester ! (Haut, et se levant.) Vous êtes bien, monsieur Jacques, sous cet arbre ?

JACQUES.

On ne peut mieux ! Oh ! ici, grâce au ciel, il n’y a ni serviteurs ni maîtres, ni sujets ni princesses ! Vous êtes libre de vous faire un trône de la première pierre venue et un dais de la première branche.

CÉLIA.

Quant à vous, vous êtes libre de vous rendormir. Moi, je parlerai toute seule, sans crainte de vous gêner, puisqu’il est certain que vous ne m’écouterez pas.

Elle remonte au fond.

    Beau ruisselet perdu sous les herbes fleuries,
    D’où viens-lu ? Le rocher t’a-t-il gardé longtemps
    Dans son sein de granit ? ou bien, dans les prairies,
    T’es-tu formé des pleurs de l’aurore au printemps ?
    Ou bien des pleurs moins doux ont-ils grossi ton onde ?
    Et ce qui va creusant la ravine profonde,
    Est-ce torrent d’hiver ? source cachée au jour ?
    Est-ce pluie ou rosée ? ou bien larmes d’amour ?

Elle est redescendue à droite.
JACQUES, qui s’est relevé sur son coude pour l’écouter.

Mauvais ! mauvais ! archimauvais !