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JACQUES.

Je sais ! Mais l’autre ?…

ROLAND, avec fierté.

L’autre est mon frère, et, si vous nous connaissez, vous savez que nous sommes de noble famille.

JACQUES.

Vous, des nobles ? vous, des frères ? À d’autres, mon bon ami ! Vous êtes seigneurs comme les taureaux le sont de la prairie qu’ils broutent, et frères comme le sont les loups qui se mordent sans connaître de parenté.

ROLAND.

Monsieur, si vous n’étiez plus âgé que moi, je vous apprendrais à parler.

JACQUES.

Et vous m’apprendriez fort mal, si vos paroles répondent à vos actions !

ROLAND.

Qui êtes-vous, pour le prendre sur ce ton-là ?

ADAM.

C’est…

JACQUES, faisant signe à Adam de se taire.

Qui je suis ? Hélas ! un homme bien las de l’être.

ROLAND.

Si vous avez le spleen, ne dégoûtez pas les jeunes gens de vivre.

JACQUES.

Tu appelles vivre ce que tu fais, pauvre fou ?

ROLAND.

Et que peuvent faire ceux que l’on opprime ?

JACQUES.

Et pourquoi se ferait-on faute d’opprimer ceux qui, comme toi, n’ont d’autre argument à leur service que la strangulation ? Qu’espères-tu en réclamant ton patrimoine et ta liberté à un frère injuste et pillard ? Lui serrer la gorge jusqu’à lui arracher une promesse dont il se rit l’instant d’après ? Violence perdue ! La lui serrer jusqu’à ce que mort s’ensuive ?