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MARCASSE, qui est entré en habit militaire, une valise à la main, un manteau sous le bras, baissant la voix et montrant à Tourny Bernard qui est rêveur.

Allons, voyons, mon ami ! mon capitaine, très-pressé d’arriver à Sainte-Sévère, et bien las… vous voyez ?

TOURNY.

M’est avis qu’il est à jeun ; mais il m’a refusé !

MARCASSE.

C’est égal, apportez toujours…

TOURNY.

J’y vas vitement. (Reconnaissant Marcasse, qui se débarrasse de son chapeau.) Ah !… mordi ! je suis content de vous voir, monsieur le sergent ! Vieux preneux de fouines, va !…




Scène II


BERNARD. MARCASSE.


MARCASSE.

Eh ! mon capitaine, pourquoi si abattu ? Tout le monde en bonne santé, là-bas ! encore deux ou trois heures ! un cheval frais dans cinq minutes… Bon courage, et merci à Dieu !

BERNARD.

Ah ! mon ami, que je suis ému ! Je ne sais ce qui se passe dans mon triste cœur, dans ma pauvre tête ; mais, à mesure que j’approche, la confiance me manque, l’espoir me fuit ! Tout m’est présage de deuil et de malheur. Oui, j’ai l’esprit frappé ! Le soleil qui, dans la journée, me souriait du haut des cieux, pourquoi se couche-t-il dans un nuage de sang ? Et ce maudit cheval, qui semblait plein d’ardeur et de force, pourquoi tombe-t-il comme foudroyé devant ce lieu sinistre ? Être forcé d’y entrer quand je détournais la tête en passant pour ne pas le voir ! Et cette chambre où l’on nous amène d’un air de fête ! ne la reconnais-tu pas, Marcasse ? C’est celle de Jean le Tors. Voilà ces vieux murs tant de fois tachés de sang, voilà le fauteuil où il s’asseyait pour méditer ses