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LE CHEVALIER.

C’est la première fois depuis la mort de ta pauvre mère. Que veux-tu ! je suis vieux, je suis faible.

M. AUBERT.

Non, monsieur, vous ne serez jamais faible ; mais votre cœur est brisé, et il faut que votre fille le sache.

LE CHEVALIER.

Taisez-vous, mon ami.

EDMÉE.

Mon père ! vous doutez de moi ? vous croyez que je peux aimer quelqu’un plus que vous sur la terre ?… Non, c’est impossible !… Nous avons été affreusement éprouvés dans notre famille ; nous avons tout accepté à nous deux, parce que nous ne faisons qu’une âme, qu’une volonté, qu’une conscience. Je peux donc tout supporter pour vous et avec vous ; rien sans vous, rien contre vous.

LE CHEVALIER.

Edmée ! mon enfant, mon bonheur, mon soutien… Ah ! pourquoi ce démon d’orgueil s’est il mis entre nous ? C’est moi… c’est ma faute… j’étais trop heureux !… Je me plaignais d’être trop calme, trop choyé, trop regardé comme un oracle ! Son énergie, sa naïveté me séduisaient ; je l’ai aimé follement, aveuglément ; j’ai songé à en faire mon fils ; je t’ai aidé à éloigner les obstacles, et, à présent… hélas !…

M. AUBERT.

Il est temps d’ouvrir les yeux cependant, et de voir que voire indulgence a produit des fruits amers ! Tous deux vous avez été touchés de sa situation, éblouis de son intelligence rapide, de son ardeur au travail, de sa volonté peu commune… Mais ces grandes qualités, en se développant, ont donné l’essor à une vanité immense, et la vanité est un vertige qui dérange l’esprit et qui dessèche le cœur !

EDMÉE.

Ah ! que vous êtes devenu sévère pour lui, mon ami !

LE CHEVALIER.

Oui, vous l’êtes trop, si Edmée le voit avec d’autres