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LE CHEVALIER.

Non ! Il me fait du bien, au contraire. Je suis de ces gens nerveux qui ont besoin de se fâcher de temps en temps ; tu ne m’en as jamais donné l’occasion, toi… et je ne peux pas t’en faire un reproche ! Mais, lui, il me rajeunit avec ses bourrasques ! J’étais comme ça à son âge !… Je suis resté un peu fougueux, à ce qu’on dit. Eh bien, qu’il ne soit meilleur ni pire que moi, et il ne sera pas encore trop haïssable. (À Bernard, lui prenant le bras.) M’écoutes-tu capitaine Tempête ?

BERNARD, lui baisant la main avec feu.

Oui, mon oncle ! mais… puisque c’est de moi que vous allez parler, je demande en quoi cela peut intéresser monsieur.

M. DE LA MARCHE, avec une bienveillance un peu ironique.

Comment donc, cher monsieur Bernard ! vous doutez de l’intérêt que je vous porte ?

EDMÉE, interrompant Bernard, qui veut répondre.

Laisserez-vous enfin parler mon père ?

LE CHEVALIER.

C’est ça ! gronde-le, toi. (À M. de la Marche naïvement.) Elle seule a de l’empire sur lui… J’ai donc à vous dire… (S’asseyant à gauche sur le banc.) Oui, il est temps de le dire sans sourciller, que la race des Mauprat Coupe-Jarret est éteinte.

BERNARD, bondissant.

Que dites-vous là, mon oncle ? suis-je mort ?

LE CHEVALIER.

Ton père ne fut jamais de leur bande, et toi…

BERNARD.

Eh bien, moi, puisque vous parlez de ces choses-là devant le lieutenant général, il est temps de dire… sans sourciller, en effet, que j’ai fait aussi, moi, le métier de franc seigneur.

M. DE LA MARCHE, assis de l’autre côté de la table.

Chut, monsieur Bernard ! On ne vous demande pas cela !

BERNARD.

Mais il me plaît de vous le dire.

LE CHEVALIER, avec autorité.

Tu ne sais ce que tu dis. Tu as vécu parmi eux, sans avoir