bien respectable. J’ai un fils honnête homme et laborieux ; notre travail nous soutiendra, et nous n’avons pas besoin d’être secourus.
À la bonne heure ! (À part.) J’aime mieux ça ! (Haut.) Alors… que puis-je faire ?…
Ne pas le détromper brusquement. Vous ne voudriez pas aggraver nos peines, j’en suis bien sûre !
Non, non, certainement, ma chère dame ; je n’ai pas un mauvais cœur, et mon fils a dû vous dire… Tenez, il aime déjà votre mari, et le voilà qui l’écoute comme un oracle.
Oui, mes enfants… oui, certes… voilà le maître des maîtres, Mozart ! Celui-là n’est ni un Italien ni un Allemand : il est de tous les temps et de tous les pays, comme la logique, comme la poésie, comme la vérité ; il sait faire parler toutes les passions, tous les sentiments dans leur propre langue. Il ne cherche jamais à vous étonner, lui ; il vous charme sans cesse ; rien ne sent le travail dans son œuvre. Il est savant, et vous n’apercevez pas sa science. Il a le cœur ardent, mais il a l’esprit juste, le sens clair, et la vue nette. Il est grand, il est beau, il est simple comme la nature ! (À Herman.) Vous autres Allemands, vous ne le trouvez pas assez mystérieux ; vous aimez un peu ce que vous ne comprenez pas tout de suite ; voilà Frantz qui joue de la flûte comme un maître, et qui trouve cependant le Papagéno trop naïf ; mais voyez donc le soleil : est-ce qu’il est jamais plus beau que dans un ciel pur ! Si vous demandez des nuages entre lui et vous, c’est que vous avez des yeux faibles. (À Frantz.) Tiens ! regarde ce bassin d’eau brillante et tranquille (il parle en montrant le jardin) qui reflète les arbres immobiles et les oiseaux voyageurs, comme un miroir de cristal ! voilà Mozart !