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champ, moulin, étang, carrière. Ah ! c’est admirable, la propriété de Muhldorf !… (Il bâille) admirable !…

HERMAN.

Et cependant…

KELLER.

Cependant, quoi ? Vas-tu me répéter que je m’ennuie déjà ici ?

HERMAN.

C’est qu’il m’avait semblé vous voir rêveur, inquiet.

KELLER.

Non ! Mais… que veux-tu ! dans mon magasin, je ne me reposais pas une minute, moi !… Du lever au coucher du soleil, j’étais sur le dos des caissiers, sur les talons des commis ; ici, tout est affermé, réglé… tout à l’air de vouloir marcher sans que je m’en mêle !

HERMAN.

Et puis vous ne vous étiez jamais occupé d’agriculture.

KELLER.

Certainement, non ! Je sais bien comment on fait le drap et la toile, mais je ne sais pas faire pousser le fil dans les champs et la laine sur le dos des moutons ; je n’ose pas faire trop de questions à ces benêts de paysans, qui ont l’air de se moquer de moi…

HERMAN.

Je me mettrai vite au courant, et si vous voulez…

KELLER.

Toi ? Non pas, non pas ! Tu as de l’instruction, c’est vrai ; je t’ai envoyé à l’Université, je tenais à ce que mon fils fût étudiant. C’est joli, ça, d’avoir étudié ! Mais je te connais, tu es romanesque ! tu es comme feu ta pauvre mère, tu ne regardes à rien, tu ne veux discuter avec personne, tu crois qu’on s’enrichit en donnant et en prêtant à tout le monde ; tu serais bien vite la dupe de tous ces petits fermiers qui sont plus fins que toi… et que moi aussi, peut-être !

HERMAN.

Je ne m’occuperai de vos affaires qu’autant qu’il vous plaira.