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Remercions ensemble les excellents artistes qui nous ont secondés avec tant de zèle et d’affection dans l’étude de ce petit roman de théâtre : d’abord, puisque nous parlons des caractères prétendus romanesques, et, selon moi, les seuls logiques en ce monde, madame Laurent, cette femme de cœur et de génie, qui est, dans la vie réelle comme dans la fiction scénique, l’idéal de l’honnête femme et de la tendre mère ; puis, en procédant par l’importance de leurs rôles dans la pièce, la touchante et naïve Bérengère, qui n’a besoin que d’être elle-même pour rendre la grâce, la candeur et le charme de la jeunesse ; MM. Fournier et Métrème, un débutant plein d’avenir et un jeune homme déjà rompu aux habiletés de la scène ; enfin, M. Fleuret, un pur et vrai talent, qui, par amitié pour moi, a bien voulu réciter admirablement quelques mots de moi, et prêter sa noble figure et sa belle parole à un vieux serviteur aimé pour ses vertus.

Tout à côté de vous et de madame Laurent, vous voulez, n’est-ce pas ? que je place Barré, ce comique si naïf et si fin, à qui je dois aussi le succès de la représentation ; car, en permettant à Keller d’être amoureux de Marianne et d’oser le lui dire, je ne me dissimulais pas ce que l’on appelle un danger au théâtre, celui d’accuser trop durement un ridicule. Mais je savais que Barré ferait tout un poëme bouffon de ses réticences, et qu’il aurait le sentiment délicat de son rôle, l’innocence de la gaucherie dans l’entraînement d’une idée perverse mal digérée, et l’effroi d’une mauvaise pensée avortée aussitôt que conçue. Il a compris que le gros bourgeois allemand ne pouvait pas être Tartufe, et que, partagé entre sa vanité de fraîche date, sa sensualité irréfléchie et ses bons et honnêtes instincts, il devait subir un combat intérieur plus risible que révoltant.

Barré est un artiste justement aimé du public ; il a la rondeur et la bonhomie de la personne avec la finesse d’un esprit chercheur et amoureux de détail. Chacun de ses mots a une portée vive et franche, et il lui faut souvent faire de généreux efforts pour ne pas absorber tout l’intérêt d’une scène,