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hommes, vous l’eussiez fait mourir par vos mauvais traitements ; et à quoi cela vous eût-il servi ?

JEAN.

À contrarier un peu les inclinations de M. Hubert, qui avait résolu d’éduquer cet aimable petit-neveu, et d’en faire son héritier à notre détriment. Voilà pourquoi notre père Tristan nous apporta ici, par la peau du cou, ce bel orphelin, transi de peur comme un lièvre.

LÉONARD.

Eh bien, à quoi bon ? De dépit, le chevalier s’est marié sur ses vieux jours, et, contre toute attente, à défaut d’héritier de son nom, a eu une héritière de ses biens, qui, par mariage, les portera, un de ces matins, dans une famille étrangère.

JEAN.

Savoir !

ANTOINE.

Comment ?

JEAN.

Je dis savoir ! Elle est enfin sortie du couvent, cette belle demoiselle !… Monsieur son père a eu enfin l’heureuse idée de venir habiter avec elle son château de Sainte-Sévère ! Elle aime la chasse, dit-on ; nos bois sont vastes ; le pays est couvert, peu habité, et il n’y a, après tout, que dix lieues de Sainte-Sévère à la Roche-Mauprat.

ANTOINE, qui l’écoute attentivement.

Qu’est-ce que tu en veux conclure ?

JEAN.

Rien, sur mon âme ! Mais je ne suis point d’avis qu’elle épouse notre ennemi naturel… le comte de la Marche, lieutenant général de la province de Berry.

ANTOINE.

Pourtant ce mariage nous mettrait, à tout jamais, à l’abri des poursuites, M. Hubert de Mauprat, qui, tout en nous haïssant, ne se soucie point de voir traîner le nom qu’il porte sur les bancs d’un présidial, nous fera de son gendre une