Page:Sand - Theatre complet 3.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

SARAH.

C’est le premier devoir d’une amitié vraie. Voyons, cher comte, il y a déjà des années que nous nous connaissons, et des semaines que, rapprochés par le hasard…

GÉRARD.

Ah ! vous croyez encore que c’est le hasard qui m’a amené cette année aux eaux de… ?

SARAH.

Disons, si vous voulez, la destinée. Elle avait déjà voulu que vous fussiez le plus intime ami du frère chéri que j’ai perdu, et je suis habituée à vous regarder…

GÉRARD.

Comme un second frère ? Et vous croyez que c’est là un rôle facile auprès d’une femme comme vous ?

SARAH.

C’est un rôle que vous aviez accepté sans effort, et qui ne peut pas être devenu impossible, du jour au lendemain. Mais j’ai tort de vouloir parler raison avec vous aujourd’hui. Pour la première fois, vous êtes bizarre… ou plutôt vous êtes vulgaire. Vous voilà avec moi comme tous les Français se croient obligés d’être avec les femmes.

Elle redescend.
GÉRARD, piqué ; il s’est levé.

Vous avez bien raison de dédaigner les Français ! Les Anglais sont si tendres !

SARAH.

Les Anglais ont une personnalité raisonnée, systématique. La vôtre est instinctive et impérieuse. Je ne sais laquelle vaut le mieux ; mais je sais, mon ami, que vous n’êtes pas amoureux de moi sérieusement, et que vous vous sentez irrité parce que je ne veux pas être coquette avec vous.

GÉRARD.

Et qui me dit que vous ne l’êtes pas ? Que sait-on de vous, qui restez sans cesse sur le qui-vive de la pruderie ?

SARAH.

Assez, Gérard, assez ! vous devenez injuste. Je vois que