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pour moi. Ça t’étonne ? Qu’est-ce que tu veux ! l’amour, ça se joue à croix ou pile la moitié du temps : et, quand ça en vaut la peine, c’est un jeu d’adresse comme le mail, ou de calcul comme les cartes. Chacun pour soi, c’est la règle et la coutume du genre humain.

PIERRE, se contenant.

Oui, oui, je comprends ! c’est juste ! Rends-moi un service ; va me chercher celui que je croyais être mon ami !

NOËL.

Oh ! il est ton ami ! Il a les atouts dans la main ; mais il voit que ça te chagrine, il te cache son jeu. Il est si gentil, si doux, ce garçon-là ! Il se dit comme ça : « Pierre est mauvais joueur, ça l’enragé de perdre ! Alorsse, il faut le gagner en douceur. » C’est de la délicatesse, voilà ce que c’est !

PIERRE.

Quand je te dis que tu as raison, Noël ! Envoie-le-moi, je t’en prie : je peux rire avec lui de tout cela !

NOËL.

J’y vas bien vite ; c’est le mieux ! Je suis content d’avoir arrangé l’affaire. Vrai, j’en suis content ! (À part en sortant.) Je ne sais pas pourquoi on ne me demande jamais conseil, à moi !




Scène IX

PIERRE, seul.

Enfin, je la tiens, la vérité ! Il faut donc être lâche ou méchant dans ce monde ? Eh bien, je serai méchant !… C’est contre ma nature, je le sais !… Du vin ? (Allant au cuvier.) Non, ça n’agit pas assez vite !… (il voit une bouteille de grès et la saisit.) Cela ? Oui. (Il boit une forte rasade.) J’y ai toujours répugné, parce que ça me rend fou ! C’est ce qu’il me faut ! (Il boit encore et jette la bouteille.) Le voilà ! Allons !

Il passe à droite.