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PIERRE.

Tais-toi, je te dis ! Cette idée-là m’a passé par la tête un instant ; j’ai cru que j’en deviendrais fou !

SUZANNE.

Mais enfin, pourquoi ?

PIERRE.

Pourquoi ? tu me demandes pourquoi, ma sœur ? Est-ce que tu ne sais pas que Valentin est mon ami, mon seul ami, le confident de toutes mes pensées, le seul homme au monde en qui j’aie une entière confiance ?

SUZANNE.

Mais savait-il que tu aimais tant que ça notre petite Reine ? Nous ne le savions pas, nous autres ; et, dans ce moment-ci, ta colère, ton chagrin m’étonnent tant, que je me demande si tu n’es pas fou.

PIERRE.

Il le savait, lui, combien j’étais épris d’elle ! Il y a déjà longtemps que je lui en parle tous les jours, et que je n’en parle qu’à lui seul ! Il sait de quoi je suis capable dans mon chagrin, dans ma colère, comme tu dis.

SUZANNE.

De quoi donc es-tu capable, Pierre ?

PIERRE, hors de lui.

Je n’en sais rien !… Mais l’homme qui me volerait lâchement mon espérance !…

SUZANNE, effrayée et sortant du jardin.

Ça n’est pas Noël Plantier d’abord ; j’en réponds.

PIERRE.

Oh ! n’aie pas peur pour celui-là, Suzanne ; il est au-dessous de ma vengeance ! C’est un garçon qui n’a pas conscience du mal qu’il peut faire avec sa sottise. D’ailleurs, il ne me doit rien, à moi : il n’a jamais eu ma confiance… mon cœur tout entier, comme je l’avais donné à Valentin. (Riant presque.) Oh ! si c’était Noël ! je t’assure que je serais vite résigné… et guéri !