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PIERRE, qui, après avoir vainement lutté contre son dépit et son chagrin, est resté immobile à regarder Reine. Tressaillant.

Que dites-vous, mon père ? de quoi parlez-vous ?

BIENVENU, en gagnant la gauche du théâtre.

Oh ! oh ! voilà mon fils qui pense à autre chose, qui perd l’esprit ! Adieu courage ! me voilà ruiné dans mon honneur, dans ma réputation. Une fois dans sa vie, maître Christophe Bienvenu aura manqué à sa parole ! Après une chose comme celle-là, il faut se voiler la face et mourir !

VALENTIN.

Non, maître ! quand je devrais y perdre les deux bras ! Allons, mon père, vous êtes un bon voisin et un bon confrère…

MAÎTRE VALENTIN.

Moi, son confrère ? moi, un équarrisseur de vieilles souches, un manœuvre, un âne ? Est-ce que je sais faire un pressoir ? est-ce que c’est mon ouvrage ?

VALENTIN, avec feu.

Oui, mon père, c’est votre ouvrage ! et maître Bienvenu, dans les occasions sérieuses, vous rend la justice qui vous est due ; n’essayez pas de nous faire croire que vous ne vous estimez pas beaucoup et que vous ne vous aimez pas un peu : nous ne sommes pas dupes de vos querelles, et nous savons tous ici que, quand vous avez besoin l’un de l’autre, vous mettez l’élan du cœur au-dessus de la rivalité du métier… Allons, venez, mon père ! Vous avez chez vous un frêne excellent, tout débité, et de longueur, deux bons compagnons tout frais… et moi qui ne suis pas mort ! Console-toi, mon Pierre, il y a remède à tout dans ce monde ! et vous, maître Bienvenu, ayez confiance, rien n’est perdu ! les amis sont là.

Il sort en emmenant son père.