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VICTORINE.

Comment ! vous voudriez que j’eusse du chagrin ?

FULGENCE.

C’est que vous n’êtes jamais gaie avec moi, Victorine ; vous gardez cela pour les autres.

VICTORINE.

Si vous me rendez triste, ce n’est pas ma faute.

FULGENCE, traversant la scène, pour reporter un registre sur le bureau d’Antoine.

Oh ! ce n’est pas la mienne non plus !

VICTORINE.

Et à qui donc, la faute ?

FULGENCE, à part.

Et dire que je n’ose pas m’expliquer ! elle a un air si sincère, si éloigné de ce que je pense !

VICTORINE.

Vous me boudez ? Allons, je vas prendre mon ouvrage.

Elle s’assied à gauche.
FULGENCE.

Je boude ! quel vilain mot vous me dites là !

VICTORINE.

C’est vrai que j’ai tort ; je ne sais pas pourquoi je vous l’ai dit… Ce n’est pas ma pensée.

FULGENCE, s’approchant d’elle.

Connaissez-vous bien vos propres pensées, Victorine ?

VICTORINE.

Mais… je crois qu’oui ! Cependant… pas toujours peut-être !… Tenez, je ne veux pas m’en faire accroire ; je ne suis pas… comment dirai-je ? je ne suis pas comme vous, Fulgence.

FULGENCE.

Comme moi ?

VICTORINE.

Eh bien, oui. Je ne suis pas raisonnable, sensée, réfléchie comme vous. Je ne me rends pas compte de toutes choses, comme il me semble que vous le faites. Peut-être que j’ai