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d’instruction, non-seulement dans le métier, mais aussi dans la vie. Sans se piquer d’être puristes, les artisans des villes et des villages s’expriment donc dans un langage plus étendu et plus élevé, en apparence, que le journalier ou le ménageot de campagne. Ils ont aussi des sentiments, je ne dirai pas plus nobles (le beau et le bien, comme le laid et le mal, se trouvent partout), mais plus analysés en eux-mêmes, et dont ils peuvent mieux rendre compte.

Le paysan aime surtout par instinct. L’habitant des grandes villes aime avec plus d’imagination. Celui des villages, qui tient du citadin et du paysan, met de l’imagination et de l’instinct dans ses affections. Chez tous, le cœur est en jeu. Le cœur n’est pas encore si mort qu’on veut bien le dire, et, quels que soient les temps, ni les crises politiques, ni les intérêts personnels n’empêcheront jamais l’amour et l’amitié de trouver en eux-mêmes une oasis au milieu des tempêtes.

L’amitié est un sentiment chevaleresque et jeune, qui se développe plus particulièrement chez les hommes liés par un esprit de corps et des travaux communs. Les guerriers d’autrefois, les artistes et les artisans d’aujourd’hui, les séminaristes, les étudiants, les collégiens même, ont encore un culte pour l’amitié. Dans la solitude des champs, comme dans le tumulte du monde, l’homme arrive à ne plus compter que sur lui même ; mais, dans l’ombre du cloître, comme sous le soleil des chemins, dans les ateliers, dans les chantiers, comme sur les bancs des écoles, tout jeune Oreste a son Pylade.

L’amour-propre joue un grand rôle dans la vie de l’artiste et de l’artisan. Le paysan a une passion plus positive, le gain. L’homme du monde sait mieux déguiser ses vanités. Au village, elles sont naïves et passionnées,

Avec ces éléments si simples et dont tout le monde a pu constater la réalité, j’ai pensé pouvoir faire une pièce qui n’a la prétention d’être ni un drame ni une comédie, ni une formule l’enseignement nouveau. Les meilleures moralités sont celles qui arrivent toutes faites dans l’esprit du spectateur, et