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jourd’hui avec tant d’amertume, les suppositions monstrueuses qu’on insinue au public, ne sont point un peu votre ouvrage, et que l’on aurait fouillé avec cette audace dans mon domestique, si on n’eût point connu qu’il était orageux et troublé ? Armande ! Armande ! le ciel m’est témoin cependant que j’étais entré dans les liens du mariage avec la conscience de mes devoirs et que je n’y ai point manqué ouvertement. J’ai tracé ces devoirs sous une forme légère, mais par un enseignement d’un fond fort sérieux, lorsque j’ai montré au théâtre des époux soupçonneux, outrageants, ridicules et trompés par leur faute. J’ai mis dans la bouche d’hommes plus sages le précepte de la confiance qu’on doit à ce qu’on aime, et le respect d’une honnête liberté pour votre sexe. J’ai voulu mettre ces lois en pratique dans mon intérieur. Comment, hélas ! m’en avez-vous récompensé ?

ARMANDE.

De quoi vous plaignez-vous, puisque je ne vous fus jamais infidèle, et que vous-même êtes obligé d’en convenir ?

MOLIÈRE, plus vivement.

Il s’agit bien de cela ! N’y a-t-il de fidélité que celle des sens ? N’y a-t-il point celle du cœur que la plus simple amitié commande ? M’étiez-vous fidèle, quand vous couriez les fêtes et les assemblées avec des gens qui se riaient de moi ?

ARMANDE.

Je me riais d’eux bien davantage !

MOLIÈRE.

Bon ! Et, quand ces gens-là viennent coqueter autour de vous jusque chez moi ; quand ma maison est empestée de leur musc, que mes oreilles sont assommées de leurs plats discours ; quand ils se font mes amis officieux malgré moi, se consolant de mes rebuffades par un charmant sourire de vos lèvres à demi provoquantes, à demi dédaigneuses, énigme terrible où ne s’est point trouvé le mot de ma destinée ! quand ces beaux fils, ces faquins enrubanés, m’honorent de leur humiliante protection ; quand ils font imprimer malgré moi, de