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MOLIÈRE.

S’il en était ainsi, si je doutais seulement de vous, est-ce que je vous aimerais encore ? Me jugez-vous assez faible, assez lâche pour adorer une femme que je n’estimerais pas ?

ARMANDE.

Vous m’aimez donc toujours, Molière ?

MOLIÈRE.

Oh ! elle le demande !

ARMANDE.

Mais, si vous m’aimez, pourquoi ne voulez-vous point qu’on me connaisse, qu’on voie si je suis belle et qu’on sache si j’ai de l’esprit ? Pourquoi blâmez-vous mes parures, mes visites, mes conversations ?

MOLIÈRE.

Vous me trouvez égoïste de vouloir garder mon trésor pour moi seul ? Ah ! si vous m’aimiez, vous seriez égoïste de la même façon que moi.

ARMANDE.

Si je vous aimais à votre mode, je vous empêcherais donc de montrer votre génie par haine des hommages de la foule ?

MOLIÈRE.

Moi, je ne suis distrait de vous que par mes devoirs. Mais essayez, cependant, essayez de m’aimer comme je vous aime, et vous verrez si je ne sacrifie point aux douceurs de votre intimité, talent, fortune, renommée ! oui, l’amour même du travail, qui est l’amour de nos semblables, je t’immolerais tout, si tu me voulais oisif à tes pieds. Je passerais ma vie à te contempler, heureux de détourner mes regards de ce triste monde et de ne voir que toi dans l’univers !

ARMANDE.

Vous m’aimez toujours à ce point-là, Molière, malgré les peines que je vous ai causées ? Tous mes vœux, toutes mes fantaisies seraient encore des lois pour vous ?

MOLIÈRE.

Fais-en l’épreuve, renonce à tout ce qui n’est point moi. L’amour est un foyer qui absorbe tout. Un mot, un sourire,