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d’être sincère et de me donner à connaître si votre cœur me fait l’injure que paraissent vouloir démentir vos paroles.

MOLIÈRE.

Votre Altesse s’imagine que, si j’avais de tels soupçons, la crainte m’empêcherait de les exprimer ? Oh ! qu’elle se détrompe ! Comme l’honneur à ses droits, la passion a ses franchises, et, si je croyais M. le Prince d’humeur à se jouer de moi, rien ne me retiendrait de lui en faire des reproches.

CONDÉ.

Si vous le prenez ainsi, m’expliquerez-vous pourquoi vous refusez de recevoir votre femme à son retour de Chantilly, parce qu’elle arrive chez vous dans un carrosse aux livrées de ma fille ? Cette misérable jalousie est si peu faite pour vous, que je n’y aurais jamais voulu croire, si madame Molière ne l’eût racontée elle-même à l’instant.

MOLIÈRE.

Ah ! ma femme prend les princes du sang pour juges et confidents de nos débats domestiques ! C’est beaucoup d’honneur pour elle et pour moi.

CONDÉ.

Morbleu ! Molière, ne le prenez pas ainsi ; car je perdrai la patience. Je suis un homme de premier mouvement, moi, et j’ai le sang fort chaud ; je n’ai menti de ma vie, et mon orgueil, autant que ma loyauté, ne peut souffrir l’imposture. Comment voulez-vous que j’entende la fin de votre pièce, avec l’idée que vous avez de moi ? J’en suis outré et mettrais volontiers le feu à votre salle de spectacle plutôt que de rester là-dessus. Demandez-moi pardon, par tous les diables ! demandez-moi pardon, Molière, car je suis un honnête homme, et, si vous me prenez pour un tartufe… (souriant au milieu de sa colère), ma foi, je suis capable de vous tuer pour vous prouver que je suis votre véritable ami.

MOLIÈRE

Si Votre Altesse me veut permettre de lui dire le premier mot qui me vient sur les lèvres…